

"La schizophrénie se caractérise par la transformation profonde et progressive de la personnalité qui cesse de construire son monde en communication avec autrui pour se perdre dans un chaos imaginaire." (Psychiatrie de l'adulte édité en 1980).

Bien curieuse citation pour présenter un jeu vidéo, je vous l'accorde. On a du mal à considérer qu'une telle affliction puisse faire l'objet d'un divertissement numérique et pourtant, LKA l'a fait. Studio indépendant florentin, The Town of Light est pour l'instant sa seule et unique création ce qui ne l'a pas empêché de marquer un sacré nombre de joueur par le choix de son thème central : la schizophrénie. Beaucoup ignorent le vrai ressenti des personnes atteintes de cette pathologie psychiatrique qui, encore aujourd'hui, est explorée à tâtons par les spécialistes. L'on ignore généralement encore plus comment les institutions, à une époque pas si lointaine, s'occupaient de leurs patients internés. A part quelques représentations stéréotypées hollywoodiennes abreuvant notre imaginaire collectif de gens nus, enchaînés aux murs, hurlant, s’esclaffant et s'auto-mutilant (certain osent même y ajouter un savant fou adorateur de Satan en prime). Très peu d'informations sérieuses et généralistes donc sur le sujet, aussi bien sur la pathologie que sur sa manière d'être traitée, si ce ne sont certains faits divers publiés dans la presse : l'hôpital de Danvers, l'Asile de Cane Hill etc. Dans ce domaine, l'Italie possède une bien triste palme. Dans le courant du dernier siècle, elle fut reconnu pour posséder l'un des pires systèmes d'institution psychiatrique (je vous invite à vous renseigner sur l'île de Poveglia) jusqu'à la loi 180 dite Loi Basaglia en 1978. C'est dans l'une de ces institutions, l'hôpital Charcot (nom du célèbre neurologue français) de l'île de Volterra, que nous emmène The Town of Light.

Petite île isolée des terres toscanes, Volterra était l’endroit idéal pour marginaliser la maladie mentale. A tel point que dans les années 30, son asile d’aliénés hébergeait un peu moins de cinq mille patients pour une population totale de 11 000 habitants. Véritable ville dans la ville, avec ses buanderies, ses magasins, sa cantine, son cimetière, et même sa propre monnaie, l’institution vivait pratiquement en autarcie. Plus qu’un cas rare, c’était un cas unique. Des trains spéciaux étaient affrétés des quatre coins de l’Italie pour emmener ici les malades mentaux, ou quiconque jugé comme tel, grâce à des tarifs défiant toute concurrence et des accords passés avec les différentes régions. On pouvait également échouer ici pour délit de "scandale public”, qui, en pleine période mussolinienne, n'était pas si rare. L'asile était dirigé par Luigi Scabia, médecin adepte du courant du positivisme, il considérait donc que quelque soit l'objet de la recherche, l'expérience était le seul critère de vérité. Pour rester sobre, nous dirons qu'il a poussé le concept jusqu'à ses derniers retranchements. Après la découverte des traitements inhumains et des expériences menées sur les patients, l'institution, surnommée Il luogo del non ritorno, le lieu de non-retour, fermera ses portes en 1978.

Vous incarnez Renée et sa double personnalité, internée à l'hôpital Charcot en 1938 alors qu'elle n'était qu'une jeune adolescente. Des années plus tard, Renée décide de combattre les fantômes de son passé et retourne dans l'antre qui était sensé contenir sa folie. Au fur et à mesure de votre exploration, vous revivrez tous les souvenirs fracturés de la jeune femme : ses conditions d'internement, les traitements subis, ses amitiés créées et surtout sa propre vision de la maladie qui la ronge.