Bohême, région de Trosky, 1403
Cette suite démarre littéralement à l’instant précis où s’achève le premier épisode. Et je me dois de rassurer les non-initiés : même s’il est préférable d’avoir fini KCD1 pour mieux cerner tous les enjeux de cette suite, vous ne serez pas pénalisé dans le cas contraire. Les développeurs ont pris le soin d’introduire le joueur en douceur, en lui exposant de manière subtile les événements passés et les enjeux politiques mais également personnels de nos protagonistes.
Vous incarnez Henry de la ville de Skalice, fils adoptif du forgeron local assassiné lors d’un raid de Coumans, commandité par Sigismond le roux, roi de Hongrie. Ce dernier a kidnappé son demi-frère, l’incapable roi Venceslas afin de récupérer son trône. Animé par sa soif de vengeance envers Istvan Toth, responsable de la mort de ses parents, Henry se retrouve impliqué dans les complots politiques du pays et tente de retrouver l’épée forgée par son père pour le seigneur Radzig Kobyla.
Sa quête, inachevée, sera toujours au cœur de ses motivations dans KCD2, mais elle sera vite supplantée par des enjeux bien plus grands. Endossant son rôle de page du seigneur Hans Capon, ils partent en mission diplomatique dans la région de Trosky afin de remettre une lettre au seigneur Oton de Berg en vue de négociations. Mais tout ne va absolument pas se dérouler comme prévu.
Vis ma vie de page
La volonté des développeurs est restée identique depuis plus de 10 ans : vous offrir un univers médiéval immersif, fidèle à la réalité de l’époque, où vous pouvez quasiment tout faire. Le jeu est littéralement blindé de systèmes imbriqués les uns dans les autres et chaque action de votre part a un impact narratif, systémique ou mécanique.
Avant d’entrer plus en profondeur dans la proposition de Warhorse, il me semble judicieux de vous mettre en garde. Kingdom Come: Deliverance n’est pas une licence facile d’accès. Si vous n’aimez pas les jeux qui prennent leur temps où chaque action demande d’être réalisée de façon réaliste, à la manière d’un Red Dead Redemption, passez votre chemin, vous y serez allergique.
Au contrôle de Henry, la majeure partie de l’histoire, vous allez évoluer dans un univers riche et autonome. Il n’a pas besoin de vous pour fonctionner. Les PNJ ont une routine quotidienne, ont un travail, un domicile, des relations et sont même parfois sujets à des événements aléatoires sans que vous n’interveniez. Vous pouvez même vous amuser à en suivre un et vous saurez tout de lui : où il réside, avec qui il vit, à quelle heure il mange ou se couche, où il travaille, etc.
Cela permet de planifier toutes sortes d'actions plus ou moins recommandables comme un cambriolage, de l’espionnage voire décimer un camp entier d’ennemis en empoisonnant leur marmite commune à la faveur de la nuit.
Toute cette liberté est évidemment régie par un système de réputation approfondi. Si vous volez quelqu’un, le frappez, le tuez, vous devrez faire face aux gardes et répondre de vos actes malveillants. À moins d’avoir un score d’éloquence suffisamment élevé pour vous en tirer…
Mais cela entachera tout de même votre réputation dans la ville où vous avez commis vos méfaits. Et les rumeurs circulent vite en Bohême…
Avec le temps, les gens oublieront peu à peu, mais si vos crimes sont trop graves et que vous vous faites attraper, alors divers châtiments vous seront infligés. Du simple pilori, vous pourrez même être marqué au fer rouge, voire exécuté.
La façon dont vous parlez aux autres, les choix de dialogues, votre hygiène, votre apparence sont autant d’éléments qui influent sur la manière dont vous êtes perçus par la population. Cela peut entraîner des commentaires désagréables dans la rue, des options de dialogues restreintes ou même des prix variables dans les commerces.
Il sera également impératif de vous soucier de votre alimentation et de votre fatigue, car ces deux statistiques auront un impact assez marqué sur le reste.
C’est en forgeant qu’on devient forgeron
Les possibilités qui vous sont offertes dans KCD2 sont particulièrement nombreuses. Vous pourrez glaner quelques groschens, la monnaie locale, de plusieurs manières. Tout comme dans le 1er jeu, vous pouvez développer vos talents d’alchimiste et vendre vos potions, ou revendre le butin que vous récoltez après une escarmouche réussie face à des ennemis. Mais vous pouvez également être une authentique crapule et devenir le roi du vol à la tire ou forcer toutes les serrures à la nuit tombée pour piller l’habitant sans vergogne.
Les développeurs ont eu la brillante idée et la maîtrise pour ajouter une mécanique de forge, ce qui tombe sous le sens vu que Henry est fils de forgeron. Et c’est vraiment plaisant à l’usage. On doit tout d’abord trouver différents plans, se procurer les matériaux nécessaires et enfin se mettre devant le fourneau ! On chauffe le métal. On le martèle. On le retourne et déroule ainsi une véritable chorégraphie rythmée pour voir notre œuvre s’affiner et se dessiner à mesure que notre marteau la percute. Une véritable réussite. Ainsi, il sera également possible de vivre de notre travail à la forge en revendant le fruit de notre labeur.
D’une manière générale, chaque action que vous effectuez fait progresser une des statistiques de Henry. Si vous passez vos journées à forger des armes, nul doute que vous allez rapidement gravir les niveaux et ainsi débloquer des points d’atouts à utiliser pour acquérir de nouvelles compétences. Chaque aspect du jeu suit cette logique ce qui permet au jeu de s’adapter de façon ingénieuse à votre style de jeu.
Il en va de même pour l’érudition qui augmente à mesure que vous lisez des livres, l’éloquence, le combat, l’archerie, le crochetage, l’alcoolisme (oui, oui), etc. En tout, ce ne sont pas moins de 280 compétences réparties dans tous les arbres de progression que vous pourrez glaner.
Et la baston, morbleu !
Rassurez-vous toutefois, ce jeu n’est pas qu’un Sims médiéval, vous aurez votre lot de combats, batailles, échauffourées, embuscades, tournois, altercations et j’en passe. Bref, vous allez pourfendre du maraud à tour de bras !
Les occasions seront nombreuses d’éprouver le nouveau système de combat. Alors je dis nouveau, pas d’inquiétude pour les vétérans de la licence, les développeurs ont conservé la même architecture basée sur une rosette, cette sorte d’étoile qui permet de choisir la direction où vous allez attaquer. L’idée principale est d’observer la posture de votre adversaire afin de frapper du côté où il ne se protège pas.
Mais si la base est la même, il a pas mal été enrichi. Désormais, il est possible de faire des parades parfaites, des contres enchaînés et les coups de maître sont de retour. Toutes ces mécaniques doivent être faites dans une fenêtre de temps très généreuse qui ne posera vraiment pas de problème. C’est d’ailleurs sûrement un point que regretteront les férus du premier opus, car ces mécaniques simplifient pas mal les affrontements.
Il y a également tout un panel de combos, pour chaque type d’arme au corps-à-corps, qui sont à apprendre auprès de divers PNJ dans les deux régions du jeu. Ces derniers, vraiment pas déterminants, n’apportent pas énormément de variété en termes d’animation, et cela devient vite un aspect marginal du combat.
Un point décrié dans KCD1 était la gestion simultanée de plusieurs ennemis. Le verrouillage de la caméra limitait fortement vos options et rendait l’exercice périlleux, voire irritant pour certains. C’est désormais rectifié même s’il reste quelques points de friction, encore une fois à cause du verrouillage de la caméra qui est capricieux et empêche d’observer librement autour de soi pour se focaliser sur un ennemi qui voudrait nous prendre à revers. D’autant que l’IA est relativement intéressante à ce niveau, nous le verrons dans la partie suivante.
Tout n’est pas parfait évidemment. Je trouve que les feedbacks visuels et sonores manquent clairement de punch et certaines attaques sont un peu flottantes. Cela rend parfois les combats un peu brouillons et finalement, là où les combats brillent, c’est lorsque les contres s’enchaînent et que les épées s’entrechoquent.
Enfin, l’archerie est toujours aussi abrupte. Et quand je dis cela, cela n’a rien de péjoratif. Personnellement, j’aime beaucoup le fait de ne pas avoir de réticule et de devoir estimer la trajectoire de la flèche en fonction de la distance. Mais je sais que cela en irritera plus d’un.
À l’instar de toutes les mécaniques du jeu, Warhorse a réussi un sacré tour de force en parvenant à opérer une vraie synergie entre l’apprentissage de Henry dans le jeu et votre propre apprentissage. Cela se fait de concert et accentue un peu plus le sentiment de progression.
Retour à la case départ
Vous vous demandez sans doute comment les développeurs ont procédé pour justifier une nouvelle progression du personnage de Henry, sachant que certains ont passé des dizaines voire des centaines d’heures à en faire un érudit combattant voleur alchimiste hors pair ! Eh bien, sachez que Warhorse a plutôt bien amené tout cela. C’est justifié narrativement et contribue donc à l’immersion.
Une immersion qui ne manquera pas de vous éblouir, tant l’univers de KCD2 semble naturel. Vous démarrez dans la région de Trosky, faite de grandes prairies et de profondes forêts où serpentent rivières et chemins de terre. Elle est vaste et donne le sentiment d’être aussi grande que la carte de KCD1.
Sauf qu’après l’avoir arpenté plusieurs heures, en suivant l’histoire, vous la quitterez pour rallier celle de Kuttenberg. Et là, c’est la claque, car c’est deux fois plus grand. Vous en aurez pour des heures et des heures d’exploration, de découverte, de balade équestre ou piétonne. C’est vraiment immense.
Naturellement, une fois les différents points d’intérêt découverts, vous pouvez utiliser le déplacement rapide. Et ce n’est pas un terme galvaudé pour parler de téléportation. Non, ici, un déplacement rapide simule le vrai trajet que ferait Henry. Le temps passe, votre fatigue s’accumule, la faim vous tiraille et vous n’êtes pas à l’abri d’embuscade de bandits ou de rencontres fortuites. Le jeu fourmille d’événements aléatoires qui viennent briser la monotonie des voyages, surtout lorsque l’on repasse par des routes déjà découvertes.
Il existe de nombreux points d’intérêt sur la carte et ces derniers ne sont pas indiqués par défaut. Vous devrez parler à des aubergistes ou d’autres PNJ afin qu’ils vous décrivent ces lieux et vous en parlent, toujours pour une bonne raison. Ces lieux sont intéressants à visiter, car ils recèlent souvent des objets utiles ou sont liés à des résolutions de quêtes.
FedEx ou pas FedEx ?
En parlant de quêtes, qu’a-t-il dans le ventre ce KCD2 ? On est dans le très haut du panier, sans conteste. On prend souvent CD Projekt Red en référence pour l’écriture de leurs quêtes secondaires et notamment dans The Witcher 3. Mais à mon sens, Warhorse fait encore mieux. Peut-être avez-vous entendu parler de la quantité astronomique de 2,2 millions de mots utilisés dans le jeu ? Eh bien, ce n’est pas juste du remplissage !
Toutes les quêtes sont absolument brillantes. De la trame principale, jusqu'aux quêtes secondaires en passant par les simples tâches, il y a un souci du détail, de l’humour et de la cohérence qui transpire de chaque ligne de texte. Tout est narré, justifié, enrobé dans un habillage crédible.
Lorsque l’on vous confie une tâche, un PNJ va vous décrire un lieu, vous donner des points de repères visuels pour vous orienter et vous avez intérêt à être attentif, car une fois sur place, vous n’aurez aucune aide via l’interface. Dans une zone délimitée souvent assez vaste, vous aurez à suivre les indications du PNJ pour trouver votre chemin.
Parfois même, ce sera l’occasion d’utiliser Cabot, votre chien, qui vous suivra tout au long de l’aventure si vous décidez de le retrouver peu après le début du jeu. Soyons honnête, on ne s’attache pas à ce chien car il est traité de manière purement mécanique. Il peut vous aider dans les combats, booster certaines de vos statistiques si vous débloquez les compétences dédiées ou même flairer une piste, pour résoudre certaines quêtes. Mais périodiquement, il se met à aboyer sans discontinuer et l’on est obligé de le rappeler à l’ordre pour qu’il cesse, c’est très agaçant. Au point que j’ai rapidement opté pour la solution de l’ordre ”Cabot, couché ! ” afin qu’il ne me suive pas.
Cela sera peut-être patché, mais le fait est que tout est organique. Cela amène parfois de la frustration, une perte de temps en nous faisant tourner en rond. En contrepartie, on est gratifié par une action aussi simple que trouver une vieille ruine dans un bois après avoir suivi un jeu de piste ludique, ou en découvrant un lieu secret de pêche à la langouste bleue qui se vend au triple du prix des rouges.