Le jeu vidéo doit-il devenir une discipline olympique ?
Par Troywarrior, le 05-12-18 à 21:29
CHRONIQUE
CHRONIQUE
Sujet qui divise parfois même les gamers entre eux. La récente place accordée à l’e-sport par les SEA Games (Jeux d’Asie du Sud-Est) en 2019 relance le débat.
Revenons un peu dans notre l’Histoire. Depuis sa création « présumée » en 776 av. J.-C., les Jeux Olympiques n’ont eu de cesse que de s’adapter à leur siècle en y incluant les sports contemporains. L’épreuve sportive ultime a ainsi toujours su inclure en son sein des disciplines diverses, même si elles étaient alors mal-considérées par une sportowa intelligentsia.
C’est ainsi que, par exemple, le billard, le bridge et les échecs, longtemps considérés comme loisirs, même professionnalisés, ont su obtenir le label de l’Olympisme.
Quels sont les critères pour obtenir ce Label ? La fédération représentative doit réunir un certain nombre de conditions pour être homologué par le CIO (commission du programme olympique) :
- Les caractéristiques techniques (nombre d'épreuves, infrastructures nécessaires, couts opérationnels, etc.)
- L'histoire du sport (création de la fédération, participations aux Jeux, etc.)
- L'universalité (nombre de pratiquants, de fédérations actives, répartition par continent, etc.)
- La popularité (vente de billets, couverture télévisée, sites internet, sponsors, etc.),
- L'image (égalité des sexes, transparence, équité, attrait, impact sur l'environnement, lutte contre le dopage, etc.)
- Le développement futur de la fédération (ses finances, ses axes de développements, etc.)
Pour les défenseurs de l’e-sport, ces six exigences semblent être parfaitement remplies. Mais le CIO et autres instances décisionnaires bloquent, pour la plupart, sur un point : l’image. Ce doute se symbolise en une phrase de Thomas Bach, président du CIO :
"Nous ne pouvons pas avoir au programme olympique un jeu qui promeut la violence ou la discrimination. Les jeux de meurtre, de notre point de vue, contredisent les valeurs olympiques et ne peuvent par conséquent pas être acceptés."
Certains pourrait s’amuser de cet avis, considérant que M. Bach est ancien champion d’escrime, où le but est de simuler la mort de son adversaire à la pointe de son fleuret. Ce à quoi il répond
"Bien entendu, tous les sports de combat ont pour origine des affrontements réels entre les gens. Mais le sport est l'expression civilisée de cela. Les jeux dans lesquels le but est de tuer quelqu'un ne peuvent pas s'accorder avec nos valeurs olympiques."
Mais ne pourrait-on pas considérer l’action militaire, l’adaptation quasi-instantanée à la stratégie adverse et le talent technique à vaincre « virtuellement » son adversaire comme expressions civilisées du combat ? Passons…
L’honnêteté oblige également à reconnaître que l’e-sport est peut-être encore trop jeune pour espérer concourir de suite dans la cour des grands. L’excellent reportage « l’e-sport fait vivre », diffusé par Arte et Bigger Than Fiction, a parfaitement mis en exergue la problématique.
D’un côté des gamers entraînés et totalement méritant du titre de véritables sportifs. De l’autre, une fédération encore trop immature dans sa structure, plus intéressée par sa rentabilité que par sa représentativité. Même si ce défaut n’est pas forcément indissociable non plus des J.O., il n’en reste pas moins que le monde compétitif du jeu vidéo manque encore de crédibilité structurelle face aux autres fédérations.
Que les pro-olympiens se rassurent, la construction de l’édifice semble néanmoins sur la bonne voie. L’intégration de l’e-sport aux SEA Games inclura en effet les premières épreuves médaillées de l’e-sport de l’histoire. Beaucoup y voient un premier test pour une possible reconnaissance olympique future. Tony Estanguet, codirecteur de la candidature parisienne pour les JO 2024, s’est d’ailleurs exprimé sur la place du jeu vidéo dans l’univers olympique en affirmant qu'on "doit se pencher dessus parce qu’on ne peut pas l’ignorer."
Ces propos ont été agrémentés par le CIO lui-même : "les sports électroniques pourraient être considérés comme une activité sportive. Les joueurs qui les pratiquent se préparent et s’entraînent avec une intensité comparable à celle des athlètes d’autres sports plus traditionnels."
Ils ont néanmoins conservé une certaine réserve, abordée précédemment : D’abord, l’adhésion aux "valeurs olympiques". Puis, surtout, "l’existence d’une organisation garantissant la conformité aux règles et réglementations du mouvement olympique (antidopage, paris, manipulation, etc.)".
Le problème ne semble donc pas être le contenu, mais plutôt le contenant.
A quelle reconnaissance aura donc droit notre univers ? Le principal espoir réside dans le besoin du CIO de parler à la jeunesse, public sur lequel les J.O. semblent exercer de moins en moins d’attrait. L’historien du sport, Patrick Clastres, souligne d’ailleurs un "décrochage des publics de moins de 30 ans, les “digital natives″, ceux qui sont nés avec Internet". De surcroît, le contenu des Jeux olympiques a évolué "très lentement" depuis la fin du XIXe siècle, estime ce spécialiste de l’olympisme.
Il semble donc pertinent d’affirmer que chacun doit faire un pas vers l’autre.
Pour ou contre la reconnaissance olympique du jeu vidéo ? Et surtout, pourquoi ?
Source :
- Le Monde
- Connectesport
- l'Equipe
- Wikipédia
Mots-clés : Arte, Chronique, CIO, Débat, e-sport, Jeux Olympiques, l'e-sport fait vivre, SEA Games
16 commentaires
Troywarrior (troywarrior)
0
0
0
0
À lire aussi
Comment le dopage cérébral s’immisce et se démocratise dans l'univers du jeu-vidéo
Par Troywarrior
Le 05-11-17 à 03:33
[Conclusion] L'eSport fait vivre : découvrez la série documentaire d'Arte et Bigger than Fiction
Par Redac chef
Le 27-06-17 à 17:30
Rétrospective des rédactions de novembre 2022
Par JohnBuckheart
Le 10-12-22 à 17:26
Commentaires